La pratique du found footage (littéralement "métrage trouvé") consiste à créer un film nouveau ou une vidéo nouvelle à partir d'images en mouvement trouvées. Les sources utilisées vont des films amateurs aux classiques hollywoodiens en passant par les publicités et les films éducatifs. Leur réemploi offre des possibilités illimitées : modification ou conservation de l’ordre des plans, utilisation d'une ou plusieurs sources, ajout d'images originales, altération physique ou numérique des images, accélération ou ralentissement, conservation ou modification du son d'origine, ajout de commentaires, doublage, etc. L'artiste se réapproprie ainsi ces images et les décontextualise dans un but critique, parodique, didactique, narratif ou purement esthétique.
Cette démarche n’est pas propre au cinéma et au fil des siècles, chaque art a engendré un ou plusieurs courants recyclant des œuvres existantes. Le found footage appartient donc à la grande famille de la réappropriation artistique qui compte le centon (littérature et musique), la spolia (architecture), le collage (arts visuels), le cut-up (littérature), le sampling (musique), le remix (musique), le mashup (vidéo et musique) et j’en oublie sûrement.
Mais pourquoi accorder autant d’intérêt au found footage ? En effet, des centaines de films appartiennent à cette catégorie ou y sont assimilés, la littérature sur le sujet abonde et un magazine annuel y est même consacré (Found Footage Magazine). Comment expliquer un tel attrait pour un art qui consiste à réassembler le travail d’autres artistes ?
Au cinéma, on dit qu’un film est écrit trois fois avant d’atteindre sa forme finale : à l’étape du scénario, puis du tournage et enfin du montage. Le spectateur sait apprécier le scénario, le jeu des acteurs et le travail de mise en scène. En revanche, le montage a pour mission de lier tout un ensemble de plans en un film fluide et cohérent et ce, aussi discrètement que possible. Si un cinéphile peut identifier çà et là un raccord astucieux, le montage se remarque avant tout lorsqu’il ne fonctionne pas. Le travail de montage est donc rarement apprécié à la hauteur de ce qu’il est, à savoir une écriture à part entière capable de changer le sens des deux précédentes. Or, dans le found footage, le spectateur remarque que les plans qui se suivent n’ont pas été conçus ensemble : ils diffèrent par l’éclairage, l’étalonnage, le format, les acteurs ou tout cela à la fois. Il est facile de déduire que ces plans ne proviennent pas de la même séquence, pas du même film ou que quelque chose a été modifié. Toutefois, l’artiste a pris soin de créer un raccord via un regard, une continuité de mouvement, un objet, un décor ou tout autre type de raccord utilisé couramment dans n’importe quel montage. Ce raccord devient alors visible non pas parce qu’il ne fonctionne pas, mais au contraire parce qu’il fonctionne alors que les deux plans liés n’étaient pas destinés à se succéder. Ainsi, le found footage met en évidence les raccords et permet d’en apprécier la qualité.
Le found footage n’est pas si différent d’un travail de montage classique car la personne qui monte est très rarement la personne qui écrit ou qui réalise. Les monteurs et monteuses travaillent en effet à partir de rushes qu’une autre personne a conçus, tout comme l’artiste de found footage. Cependant, en found footage, aucun·e scénariste et aucun·e réalisateur·rice ne viendra donner d’indications. Le found footage est donc un travail de montage libéré de toute contrainte scénaristique décidée par autrui. L’artiste peut écrire un scénario à partir des images trouvées avant de passer au montage ou essayer diverses combinaisons directement sur le banc de montage. En revanche, une contrainte de taille subsiste : la mise en scène ne peut pas être modifiée. Obtenir un film cohérent à partir de sources hétéroclites requiert donc une certaine maîtrise du montage et du détournement. Lorsque l’on a conscience de ces obstacles, le résultat suscite l’admiration. Le found footage révèle ainsi la puissance d’un montage capable de s’affranchir du scénario et d’outrepasser la mise en scène.
Des milliers de films dorment dans les collections publiques ou privées sans grand espoir de revoir un jour la lumière d’un projecteur. Ce sont des longs métrages qui n’ont pas rencontré de succès, des courts métrages oubliés, des documentaires peu vus, des films éducatifs datés, des films de famille qui ont perdu leurs propriétaires… bref, des films que personne ne reverra jamais. À moins qu’ils ne servent de matière première à un nouveau film. Le found footage met à profit cette manne d’images délaissées et les réutilise pour créer du neuf. Ce faisant, ces films retrouvent à nouveau une visibilité et obtiennent une seconde vie. On peut d’ailleurs affirmer que le found footage est un art écologique du fait qu’il réutilise une matière préexistante, permettant l’économie des ressources nécessaire à un tournage.
Vous l’aurez compris, j’aime le found footage. J’ai donc créé ce site dans le but de faciliter l’accès au found footage et le faire connaître. Vous y trouverez une liste de films et de vidéos found footage, une bibliographie sur le sujet, une liste d'éditions vidéo, des articles et une liste de festivals diffusant ces films. Si vous voulez vous lancer dans le montage d’images récupérées, vous trouverez aussi dans la section « articles » un didacticiel détaillé pour fabriquer votre propre scanner de films. N’hésitez pas à y jeter un œil.
Bonne visite !
J.F.